Les mots filent

J’avais envie d’aborder ma maladie. Ce qu’elle m’a fait traverser et ce qu’elle m’a apporté.

C’est qu’une histoire d’hémoglobine
Qui, je crois, ne finira pas dans le sang !
Je me suis fait beaucoup de mauvais sang,
Tout ça pour rien ! Avec de l’aspirine
Je vis tant bien que mal, je cicatrise
Et j’apprivoise ma condition d’incurable
Au fil du temps qui court impitoyable
Dans mes lisses veines sans hémolyse.

Je n’ai rien plaqué pour ces plaquettes
Qui muraient mes veines insidieusement.
J’usais mes jours et nuits nonchalamment
Dans une vie qui partait en miettes.
Je tombais dans la torpeur du coton,
La tête vide et les idées aux oubliettes.
J’ai dû me battre pour redresser la tête
Car ma vie est devenu un marathon.

Dans ma vie, les mots filent
Comme coule l’eau des rivières.
Je défie ma future mise en bière
En devenant un hémophile.
Hydrea, Aspirine, mes héros
M’enchainent à leur ingestion
Mais, mon lot de consolation
Est que je peux voir le rétro.

Ma protéine, cette usineuse inusable
Qui ne s’arrête plus, douce Alzheimer,
Travaille pour moi, pour que je meurs
Avec sa gentillesse belle et impitoyable.
Maudite loterie génétique qui ne se gène
Pas à m’étouffer en douce dans ma moelle,
Je ne vais pas jouer l’hôte gentil et loyal
Car ma vie n’est pas composée que d’ADN

Elle me fait valser

J’ai écrit de poème en 2011, après avoir appris que j’étais atteint d’une maladie orpheline incurable qui devait normalement me diminuer insidieusement. Je me suis battu. Je n’ai pas gagné mais elle non plus.

Je ne l’ai pas vu arriver,
De son pas feutré tel un Persan,
Empoisonnant mes pensées,
Alourdissant mes veines de sang.

Je ne l’ai pas vu m’enserrer
Lentement, étouffer ma volonté,
S’agripper à moi, me lacérer
Insidieusement, tout désir ôté.

Mon corps s’est lentement
Arrêté d’obéir à mes ordonnances,
Ankylosé par tellement
De lourdeur, plus rien n’a de sens.

Elle a eu le meilleur de moi,
Elle a pris le contrôle de mon corps,
Détruisant tous mes émois,
Prenant le contrôle de mon sort.

Tout est perdu ou presque,
Dans cette lutte grotesque.
Elle contrôle ma vie
Et elle me fait valser,
De cette valse qui m’étourdit
Et qui ne cesse de m’épuiser.
Je suis un ivrogne à jeun
Livré aux farces du Malin.

Mon sang désormais glisse
Tel un gosse rieur sur un toboggan.
Médicament boite à malice,
L’aspirine est devenu mon onguent.

Mais mon âme mise à mal
Veut reprendre la bonne direction,
Combattre ce mal infernal
Pour une victoire sans conditions.

Tout est perdu ou presque,
Dans cette lutte grotesque.
Elle contrôle ma vie
Et elle me fait valser,
De cette valse qui m’étourdit
Et qui ne cesse de m’épuiser.
Je suis un ivrogne à jeun
Livré aux farces du Malin.