Mais l’ange…

Aussi solide qu’un château de cartes,
De la normalité toujours je m’écarte
Malgré les blessures irrémédiables
Que je m’inflige tel un beau diable.

Arrive l’horloge, imposante et cynique,
Qui chamboule les règles biologiques
De la décence : je veux être un père !
Je vais de nouveau tuer les repères.

J’instrumentalise les droits légaux
Pour voir mon enfant jouer au Lego.
J’angoisse, je pleure et je prodigue
Tout pour enfin faire sauter la digue.

De nous deux
Plus rien ne reste des louanges
Qui, d’antan,
Faisaient du nous un tout pétillant
Mais l’ange
Nous sourit de ses yeux bleus
Embrassant
L’univers avec une gourmandise
Débordante.
S’ouvre avec elle la vie trépidante
Qui aiguise
Mes joies, mes peines, mon sang.

J’admire sans jamais m’en lasser
Ses boucles d’or et ses bras m’enlacer.
Je lui accorde tout ce qui m’a été enlevé
Avec l’honneur d’avoir à bien l’élever.

J’ai honneur d’être celui qui lui donne
Tout ce qui faut pour qu’en elle sonne
L’amour que j’ai si souvent de mes vœux
Appelés en suppliant ces vides cieux.

Ne perds pas de vue l’horizon !

Ne perds pas de vue l’horizon !
Embrasse-le en toute saison,
Quelque soit la fièvre ou la raison
Qui t’amène pour chanter l’oraison.

Je sais qu’il est difficile d’avancer
Les pieds ensanglantés.
Il est plus aisé de vouloir laisser
Tout le monde planté.

Les millions de secondes déversent
Les joies et les peines.
Chaque larme qui, en nous, perce
Est une goutte vaine.

Alors traversons là avec panache,
Avec une pirouette
Pour conclure sans qu’on se fâche
Cette jolie petite fête.

J’ai envie de te crier qu’il faut aimer
Mourir sans lendemain.
Nous ne gagnons qu’à nous sublimer
Avant de finir le chemin.

Jean Foutiste

Les mots tournent en rond dans ma tête,
Des poissons rouge sang dans un bocal,
Je les emprisonne histoire que je me mette
Minable et qu’ainsi mon inspiration cale.

Les idées fusent en position stationnaire,
Satellite qu’aucune antenne ne va capter
Car j’ai tout éteint là-haut, nani nanère !
Suis fatigué d’être ici encore inadapté.

Je n’arrive pas à tuer cet enfant fainéant
Que mon père envoyait dans le tourbillon
De ses cauchemars jusqu’au mon néant.
Il est coriace malgré ses airs souillons.

Je me complais dans la complainte
De ma vie de guingois.
Je me complais mais j’porte pas plainte.
Je n’sais pas pourquoi.
Je me complais à attendre que ça passe
Tout seul, lentement.
Je me complais à souffrir, j’suis lasse
De vivre, vraiment.

Je suis en panne des sens deux fois sur trois.
Plus rien n’a de sens quand enfin j’avance
Car dans mon cœur quand t’es pas là, j’ai froid.
Je veux me planter là dans la démence.

Un pas en avant suivi de deux pas en arrière,
C’est pas une valse même si j’ai le mal d’amer.
J’en ai oublié toutes les paroles de la prière
Que je psalmodiais pour le secours d’une Mère.

Où en sommes-nous?

Où en sommes-nous
Malgré toutes nos additions ?
Nous sommes au jour où
Je vais atteindre la saturation.
Je suffoque d’avoir plus
Mais sans avoir plus d’excitation.
J’ai l’impression qu’en sus
Je suis à cran, prêt à l’explosion.

Où en sommes-nous
De toutes ces mesquines divisions ?
J’achève de devenir fou.
Toutes nos règles de vie sans cohésion
M’étouffe, m’enivre
Sans que je retrouve ma respiration.
Je sens cette vouivre
M’enlacer le cou jusqu’à ma radiation.

Où en sommes-nous
De ces traitresses multiplications
De secrets bout à bout ?
La coupe est pleine, en ébullition.
Le barrage va céder
Pour lâcher nos remords en fusion.
Nous serons obsédés
Par cet orgueil d’avoir, à la fin, raison.

Où en sommes-nous
De cette lente soustraction
Qui détruit le nous ?
Cette silencieuse déflagration
A emporté tout
Et même plus de notre union.
Je renais surtout
A l’envie d’être moussaillon.

Je brille ou je vrille

Loin de moi l’envie de coquilles
Qui tomberaient telles des escadrilles
De bombardiers qui me torpillent
A cause de nos nombreuses bisbilles.

Je voudrais me perdre dans une charmille
Où la douceur d’un dessert vanille
Voudrait cajoler mes humides papilles
Après avoir agité mes délicates narilles.

Lorsque du labyrinthe je m’aiguille
Vers sa sortie, guidé par une oupille,
Je voudrais revoir les yeux de ma fille,
Malicieux qui gentiment houspillent.

J’ai parfois l’impression que, si je brille,
Aussitôt tout peut partir en vrille.
Je sens que si le soleil enfin brille
C’est pour qu’invariablement je vrille.

Mes erreurs ne sont pas des peccadilles
Et le bonheur me fuit comme une anguille
A chaque fois que mon étoile brille
Au firmament puis je tombe telle une quille.

Les mots filent

J’avais envie d’aborder ma maladie. Ce qu’elle m’a fait traverser et ce qu’elle m’a apporté.

C’est qu’une histoire d’hémoglobine
Qui, je crois, ne finira pas dans le sang !
Je me suis fait beaucoup de mauvais sang,
Tout ça pour rien ! Avec de l’aspirine
Je vis tant bien que mal, je cicatrise
Et j’apprivoise ma condition d’incurable
Au fil du temps qui court impitoyable
Dans mes lisses veines sans hémolyse.

Je n’ai rien plaqué pour ces plaquettes
Qui muraient mes veines insidieusement.
J’usais mes jours et nuits nonchalamment
Dans une vie qui partait en miettes.
Je tombais dans la torpeur du coton,
La tête vide et les idées aux oubliettes.
J’ai dû me battre pour redresser la tête
Car ma vie est devenu un marathon.

Dans ma vie, les mots filent
Comme coule l’eau des rivières.
Je défie ma future mise en bière
En devenant un hémophile.
Hydrea, Aspirine, mes héros
M’enchainent à leur ingestion
Mais, mon lot de consolation
Est que je peux voir le rétro.

Ma protéine, cette usineuse inusable
Qui ne s’arrête plus, douce Alzheimer,
Travaille pour moi, pour que je meurs
Avec sa gentillesse belle et impitoyable.
Maudite loterie génétique qui ne se gène
Pas à m’étouffer en douce dans ma moelle,
Je ne vais pas jouer l’hôte gentil et loyal
Car ma vie n’est pas composée que d’ADN

Trop peu de mots pour le dire

A Juliette, ma coccinelle, ma fille, ma réussite.

Les étoiles décorent les murs de ma prison,
Et, du haut de mes trois pommes dorées,
Je soulève la Terre sans mettre de raisons,
Juste pour voir une sirène à l’œil abhorré.

Le désert se constelle d’une belle mosaïque
Aux carreaux arc-en-ciel pastel qui emplissent
Mes papilles visuelles. Je regarde cet aspic
Danser un tango désincarné avec délice.

J’avance dans un toboggan embouyonné
D’où un vent sucré et tropical m’enlève
La raison pour la faire tomber là, sonnée.
Un vampire m’accapare pour ma sève.

J’use de prétextes fallacieux pour partir
Loin de ce coffre acajou et sanglant
Qui abrite ma conscience. Il faut l’ire
Des fous pour devenir enfin goéland.

Je veux libérer les mots des carcans
Etouffants puisque aucune combinaison
Ne rendra justice à celle qui prestement
A écrit en moi « Amour » sans déclinaison.

Noir, rouge, blanc

C’est noir,
Lorsque la vie est une émeraude
Que les hommes oublient le manoir
Où se trouvent les oubliettes, où rôdent
L’amour, la sincérité, la fraternité,
Grande blessée de la fierté humaine,
Grande prêtresse de l’humanité
Qui perd son sang et sa forme humaine.
Poussée par la vie hiérarchique
Des grands prêtres de l’Etre suprême,
L’homme a perdu son amour mécanique,
Maintenant, voici les égoïstes «je t’aime ».

C’est rouge,
Comme le regard d’un ange
Qui a perdu son passé, son avenir
Dans les yeux des hommes qui mangent
Et qui boivent le sang d’un souvenir
De promesses tuées par le temps.
La vie est morte, et pourtant
Des gens veulent vivre l’esprit chaste,
L’esprit libre de pensées fastes.
Des gens remuent, bougent
Dans l’espérance d’un signe du ciel,
Dans l’envie de vivre l’éternel.

C’est blanc
Comme la pureté de la nature
Dont le sang semblant
Etre souillé, mis en pâture
Par des animaux bipèdes,
Tentant d’en garder un petit
Morceau pour des quadrupèdes
Productifs. Je veux être petit,
Observer cette grande dame
Gracieuse, maternel et patiente
Qui nous regarde comme des infâmes
Mais dont le souvenir nous hantent.

Mon drapeau sera noir, rouge, blanc,
Pour moi le petit homme enfant.

Ton jean contre mon djinn

Mes mains n’exploreront plus
Les méandres de ton torse poilu
Jusqu’à ce que mes tendres baisers
Mouillent tes zones embrasées.

Ma tendre langue ne valsera plus
Dans ta bouche comme une goulue
Qui s’enivre de tes amers saveurs
Jusqu’à en perdre la notion d’heure.

Ton jean
Contre mon djinn.
Ton t-shirt
Contre mon flirt.

Mes yeux ne reflèteront plus
Ton visage et sa beauté joufflue
Qui ont habités mes entrailles
Et m’ont dévoré. Je suis victuaille.

Ton jean
Contre mon djinn.
Ton t-shirt
Contre mon flirt.
Ta délivrance
Contre mes souffrances
Ton départ
Contre ma vie de bâtard.

Un film à deux

Cette histoire n’était pas raccord.
Nous interprétions des personnages
Aussi docilement que ce foutu décor.
Notre jeu de scène n’avait plus d’âge.

Tout a été monté en plan-séquence.
Nous nous sommes aimés puis plongés
Dans un scénario écrit bien à l’avance.
Nous pérorions des mots mensongers.

Triste fin sans studio de carton-pâte
Pour une romance qui, de bout en bout,
A senti l’amour. Tout est dans la boîte.
L’important en soi est de tenir debout.

Tu m’as fait tourner la tête.
Nous avons tourné le film à deux.
Mais l’heure n’est plus à la fête
Quand on passe d’amoureux
A plus rien du tout. La scène
Finale est passée, la lumière
Crue fuse sur les obscènes
Pleurs qui rongent tels des vers.

Désormais tu es un figurant hors-champs
Et je monologue en attendant le générique.
Je prie pour que le clap de fin, en couchant
Les trois lettres, rendra ça moins prosaïque.